Mymytchell s’énerve.. j’ai repris le texte qu’elle a mis sur le site « Rue de la commune », mais je me suis permis de modifier la mise en page, genre poésie en vers libres..
Le diesel et les étoiles
Tiens, celle-là me donne envie de répondre.
Pourtant il y en a eu tant d’autres.
« On est un peu diesel » ?
Et les journalistes de reprendre cette expression, si drôle, si fine de monsieur le président.
De s’amuser, de citer comme si nous étions gouvernés par quelqu’un que nous considérerions aussi bouleversant que Rimbaud.
Et puis un peu après, viennent les étoiles.
Un président qui parle d’étoiles.

Et ces journalistes de le reprendre encore et de sourire comme si parler d’étoiles quand on est président, c’était une douce rêverie.
Dites-moi, on ne sait plus quel goût a le rêve là-haut, non ?
Sauf des mouchards et des gendarmes, on ne voit plus par les chemins
que des vieillards tristes en larmes, des veuves et des orphelins.
[…]
sans pain, sans travail et sans armes
nous allons être gouvernés par des mouchards et des gendarmes
des sabres-peuples et des curés.
Alors monsieur le président, je vous écris une lettre.
Que vous ne lirez pas, car vous obstruez le monde, vous n’entendez plus rien.
Vous êtes un larsen géant.
Un parasite.
Un prête-nom de l’ignominie, de la peur, des inepties et repris par la culture de l’encéphalogramme plat.
Non, vous n’êtes pas stupide, vous servez votre intelligence à la cause du néant.
« On est un peu diesel ? ».
Nous sommes rendus à être gouvernés par des métaphores de voiture et d’étoiles, qui ne font décoller ni avancer personne et qu’on nous cite.
Qu’on nous force à écouter à la pause-déjeuner.
On fait une petite blague pleine de modernité et on se réconcilie alors ?
Mais à citer l’humanité, ne pensez-vous que chaque jour sont prononcées des phrases autrement plus combatives, féroces ?
Pleines de sens et d’idées.
Ne pensez-vous pas que l’analyse, qui s’entend par le grec, comme une remontée du courant, vaut quelques efforts ?
Ne pensez-vous pas qu’on mérite de s’entendre penser ?
Pensez-vous que chaque humain peut dire ce qui lui passe par la tête sans cesse et à la terre entière à chaque seconde ?
Vous me direz dans twitter et l’oiseau bleu, il y avait déjà du diesel dans le moteur de cette idée.
Que celui qui voulait achever hier l’hôpital public vienne nous taper sur l’épaule.
Que celui qui manipule l’idée d’apocalypse vienne nous dire de le suivre sur le chemin de la raison.
Que celui qui détruit la mémoire des langues anciennes et la diversité des langues vivantes pour un globish sans substance vienne nous apprendre à dire.
Mais deux milles ans ont coulé depuis qu’un charlatan pouvait se dire prophète et que ça pouvait marcher.
Deux mille ans ont coulé depuis qu’une secte ait pu devenir une religion gouvernée par l’argent.
On sait ce que c’est qu’une secte maintenant, non ?
Eh bien non, l’évolution n’est pas une théorie politique.
Nous devons traverser ce qu’on appelle une période obscurantiste, non ?
Votre élitisme, chère classe dirigeante, c’est de vous choisir vous comme porte-drapeau.
Mais vous n’êtes pas un porte-drapeau, vous êtes un haut-parleur.
Nous vivons dans la couche terrestre où l’on travaille.
Où l’on sait ce qu’est une fleur, une étoile, du gaz, de l’atmosphère, une plaie, un enfant, un bébé, un vieux, la mémoire, le doute, la vie, la chanson, l’humour et une plate-forme pétrolière.
Mis bout à bout, nous savons tout ça.
Cette couche qui s’étonne que la Science ne serve pas l’humanité mais ses guerres.
Cette couche où le mot politique est beau et vivant chaque jour, même si on l’ignore.
Et sur cette couche, il y a vos pieds boueux qui croient jouer des claquettes sur un plafond de verre.
Mais vous nous cassez la tête.
Vous ne savez rien, vous n’auriez pas de sol sans nous.
Mais vous prenez la place, comme des géants gonflables que nos propres divisions ont soufflés.
Chaque jour vous nourrissez le monstre car il se nourrit de médiocrité, et il suffit de se retourner un peu ou de s’éloigner un peu pour comprendre que les conséquences peuvent être terribles.
Il est nourri par des gens bien.
Ce qu’on appelle l’extrême-droite n’est autre que la résurgence d’un mouvement de destruction de l’humanité par l’humanité elle-même, une bête qui dort et qu’un forage sans fin finira par réveiller.
Pourtant nous lui en opposons des belles choses.
Mais les ancien.ne.s s’inquiètent.
Ils et elles nous voient nus face à la bête.
Nos belles choses, on leur crache dessus.
Vous aimez pulvériser l’opposition.
Mais elle est le cœur battant.
Vous prenez plaisir à l’écrasement.
Mais vous avez les yeux qui sortent des orbites car vous n’avez pas assez de forces.
Vous préférez dire oui à la semaine sanglante plutôt qu’à l’air de l’internationale.
Vous brûlez la mémoire en tension, les erreurs et ce qui doit être réconcilié.
Vous faites le procès de l’un mais pas de l’autre.
Vous manipulez les quelques mots que vous avez pour un monde qui vous échappe dans sa grandeur.
Vous avez oublié dans votre programme l’humilité.
Laissez le diesel aux garagistes et aux ruraux qui doivent sans cesse prendre la voiture, qui situeront mieux la métaphore qu’à la cour européenne.
Allez chercher l’huile pour vos propres articulations.
L’autre jour, une chorale a refusé de chanter une chanson sur Louise Michel car elle était « trop politique ».
Vous criez victoire ?
Mais ce que vous ne comprenez pas c’est que ce n’est pas pour Louise Michel que c’est dangereux, elle a donné pour son temps.
C’est pour nous toutes et tous.
Vous ne vous relèverez pas.
Car le monstre ne s’arrête pas aux portes de vos idées.
Il les avale aussi.
Il est un peu diesel peut-être, mais il peut lui manger les étoiles.
25 mars 2021