Branco… suite…

Je viens de trouver ça sur Facebook…

TPMP m’a invité à revenir ce soir pour échanger au sujet de leur émission, en direct, pendant une demi heure, devant deux millions de français.

Ils voulaient revenir sur les éléments que j’ai révélés et les conditions de leur réalisation de leur émission.

Ils me proposaient, en quelques sortes, d’intégrer le spectacle au spectacle, d’absorber sa critique en celui-ci. En cette période qui est particulièrement violente pour de nombreuses personnes, cette mise en abîme narcissique m’aurait semblé particulièrement indécente. J’ai décliné.

Le propos que nous avons porté, qui commence à toucher de très nombreux français, est sérieux et important. Il ne peut être réduit à une querelle d’égo ou de chapelles. Il ne peut être spectacularisé.

J’aimerais revenir sur ce qu’il s’est passé. Tout a commencé avec la demande que m’a adressé Damien Tarel, l’homme qui a giflé Emmanuel Macron, de le représenter lors de sa procédure d’appel. Cet appel ne portait que sur les peines complémentaires, M. Tarel avait été convaincu par on ne sait quelle force obscure de ne pas véritablement se défendre lors de son premier jugement.

Il me disait son regret de ne pas l’avoir fait, et de ne pas avoir fait appel à moi à ce moment là, convaincu que sa peine lourde et excessive aurait pu être évitée. M. Tarel est un homme courageux et digne, recommandé par Stéphane Stef Espic, que j’ai eu le bonheur de représenter. J’accepte de l’accompagner, et de tenter de le protéger face aux meutes qui commencent à se lever.

L’audience à laquelle nous nous rendons, à Grenoble, est précieuse et importante. Pendant plusieurs heures, le tribunal cherche par tous moyens à faire admettre à M. Tarel ses torts, à lui faire exprimer des regrets. Tout résonne et nous renvoie au moyen-âge: le corps sacré du Roi, le tribunal inquisitorial qui, recherchant les aveux, tente d’écraser un homme qui, tenant droit, leur répond honneur, soufflet, intégrité, dignité.

Nous avons deux mondes qui s’affrontent. Deux mondes qui ne peuvent communiquer.

« Regrettez-vous ce geste ?

– Si je regrette ce geste ? (silence) C’est une très bonne question. (silence)

(après une hésitation) Comment regretter un geste pour lequel l’on ne cesse de me remercier ?

Pendant cette audience, j’ai l’opportunité de développer longuement les enjeux historiques propres à son geste, son ancrage dans une certaine forme de pensée, la violence de la peine, la représentativité du tribunal et l’importance pour les juges de prendre en compte le sentiment des français.

« Vous ne jugez pas au nom de l’Etat mais du peuple français. Que vous dit le peuple, au sujet de cet homme, au sujet de ce geste, au sujet de ce pouvoir ? Et que vous dit l’Histoire ? »

La loi, qu’ils sont censés appliquer, est une des formes d’expression de la volonté générale. L’une de ses formes, seulement. Ils doivent prendre en compte le sentiment des français.

Je rappelle la dimension purgatoire de ce soufflet, paradoxalement non-violente, en ce qu’elle a soulagé de nombreuses personnes, et permis probablement d’éviter d’autres passages à l’actes d’une gravité plus importante. Je rappelle l’importance d’en prendre en compte les raisons. Car en humiliant celui qui avait humilié des millions de personnes, M. Tarel, qui rappelle le sort des gilets jaunes et des infirmières, leur a permis de respirer un instant, et, en la retirant à l’adversaire, de leur rendre une part de leur dignité bafouée.

A tous ceux qui ont perdu un oeil, une main, il leur a permis un instant de se dire: l’impunité n’est pas restée.

Je rappelle que M. Macron n’a pas été blessé, et que c’est bien parce que M. Tarel a commis un affront, qu’il l’ a humilié, que l’on cherche à se venger.

Est-ce le rôle de la justice, de se faire le relais du pouvoir ? N’y aurait-il pas grandeur, comme Aristide Briand face à son agresseur, à au contraire, pardonner ?

Et pourquoi aurait-il, toute sa vie, cet homme à payer, une baffe que d’autres hommes politiques (Bayrou, Cahuzac, le maire de Cousolre) parce qu’ils étaient des gens de pouvoir, n’ont jamais vues sanctionner ?

L’audience passe, et nous sommes satisfaits.

Tout nous y intéresse. A Grenoble, la cour d’appel – monstre froid – est tagguée sur tout le long de sa dalle de propos insultants et menaçants contre les procureurs. Ce n’est pas sans rapport avec notre affaire: alors que l’Etat cherche à rétablir son autorité sur le corps de Damien Tarel, tout ce qui l’entoure s’effondre pitoyablement.

Lorsque la Cour rend sa décision, M. Tarel est invité à s’expliquer sur TPMP. TPMP est devenu depuis quelques années le tribunal des tribunaux, comme je l’ai détaillé dans ma vidéo. Un instrument au service de l’ordre. M. Tarel y était déjà passé, cela avait été particulièrement violent, et il me demande donc si, cette fois, je serais prêt à l’accompagner.

J’accepte, nous y allons. Je suis à ses côtés, le protège presque physiquement d’un chroniqueur particulièrement véhément, et, quelques peu madré, cette fois, je ris du ridicule de la violence qui se déploie à son encontre. Ce rire les rend pitoyables au moment où ils cherchaient à exercer leur autorité, et où, dans l’excitation, ils pensaient pouvoir, eux, le condamner.

Comme à chaque fois – il me semble – que j’y passe, cela les rend fous, et soudain, ce lieu du n’importe quoi devient sérieux. Comment cela, un avocat qui rit? Et qui, en plus, rit de nous ? Leur caution tombe.

Eux qui cherchaient à s’instituer en autorité se voient, par un simple rire, défiés. Cela va donc être le massacre que j’annonçais. Plus nous restons calmes, plus une forme de violence commence à naître sur le plateau, jusqu’à ce que l’un des intervenants se propose de gifler Damien Tarel, et que celui-ci l’invite à y procéder. Magnifique mise en abîme et bascule de la violence du camp du bien, soudain dénudé.

Voilà qu’est mis en lumière le visage d’un certain nombre de personnes qui jusqu’alors se prétendaient du côté des français. Ce que nous révélons, c’est que cette baffe, comme autrefois les coups de Dettinger, est ressentie comme une menace qui leur serait directement adressée.

Cela veut dire quelque chose, et quelque chose d’important: c’est qu’eux qui s’érigeaient en tribunal du peuple ne sont rien d’autre que les succédanés du pouvoir. Leur ersatz et leurs adjoints.

C’est important, parce que cette émission est vue par deux millions de français, qui la croient pour partie « de leur côté », et que ces personnes sont importantes et influentes. Cette émission joue un rôle non-négligeable dans l’élaboration, sinon de nos pensées, du moins de l’affect de la société.

Nous partons donc satisfaits, convaincus d’avoir déjoué les pièges qui nous étaient dressés.

J’en profite, dans la suite, pour faire une vidéo analytique sur le fonctionnement de cette émission, où je tente de donner des éléments qui permettent de comprendre pourquoi nous nous y sommes rendus, pourquoi ils se comportent ainsi, et enfin, sans mépris ni jugement, ce que je crois être la raison d’être de ce système, et les raisons pour lesquels il continue de subsister.

Cette vidéo est très fidèle et très précise sur le fonctionnement de cette émission, elle ne souffre d’aucune forme d’insincérité.

Elle fait tant de vues qu’elle incite TPMP à m’inviter une nouvelle fois pour en parler. Et c’est là une manoeuvre intelligence, fascinante, un défi qui aurait pu marcher: leur objectif est d’utiliser le dispositif critiqué pour absorber la critique ainsi portée, et en conséquence nous effacer. Il pourrait être relevé. Si nous y avions un intérêt.

Comprendre pourquoi ce n’est pas le cas, à cet instant T, nécessite de revenir sur ce que l’on est.

Je suis avocat, notamment. Cela me prend un certain temps.

Le temps de la justice est long et épuisant. A côté des affaires criminelles « classiques » (meurtres, etc) que nous suivons, des assises « Potemkine » concernant les attentats de Nice que nous ne cessons de dénoncer, nous nous occupons toujours d’une série de procédures visant des militants et manifestants qui ont été persécutés par le pouvoir, qu’ils soient gilets jaunes (Christophe Dettinger – qu’on accompagne toujours gratuitement pour récupérer sa cagnotte – Maxime Nicolle, Stéphane Espic, Carole, le syndicat des gilets jaunes, ainsi que de nombreux camarades anonymes arrêtés, blessés éborgnés que l’on s’était engagés à accompagner…) ou non (pensées aux Grands frères de Guadeloupe, à qui l’on tente de faire payer les révoltes de fin 2021, à Milan et Etienne, violentés lors du convoi des libertés, à tous ceux à qui l’on tente de faire payer le fait de s’être engagés).

Il y a parmi eux de nombreux anonymes, que l’on accompagne silencieusement, et des figures importantes, que l’on protège également.

Ce sont des procédures épuisantes, et violentes, car l’autorité est au service du pouvoir, et, en conséquence, la justice le bras armé du gouvernement. On ne compte pas les « plaintes égarées », les dossiers classés, les incidents de procédure, les tentatives, à chaque fois, de minimiser, effacer, oublier. A chaque fois, un travail épuisant, pour remonter au sein de l’administration, la forcer à s’engager, le visibiliser, se battre pour que leur voix soit entendue, et donc partagée.

Une course à longue haleine, au sein et en dehors de l’institution, contre le pouvoir et les classes dominantes et leur impunité. Une lutte au sein d’une institution où l’on nous a laissé, du fait de mon titre d’avocat, un minuscule espace, que l’on tente de faire fructifier et qu’ils tentent d’annihiler.

Cela prend énormément de temps et d’énergie. Il faut tenir, y compris dans des situations désespérées, avec pour engagement de ne jamais laisser quelqu’un de côté. Nous avons réussi de beaux coups, au-delà des victoires spectaculaires que l’on sait. Avoir permis à plus de trois cent manifestants de faire sauter leur amende, le jour du convoi des libertés, nous a pris un temps fou, mais nous a immensément soulagé.

Parfois, c’est plus compliqué. Cela fait par exemple trois ans que nous recherchons la désignation d’un juge d’instruction pour ce gilet jaune de Saint Etienne éborgné. Trois ans après, malgré les témoignages, la vidéosurveillance, les excuses continuent d’affleurer. Le parquet prétend que ce serait un « feu d’artifice », et non un LBD, explosé à plus de dix mètres du manifestant, qui aurait engendré la marque circulaire qui entoure l’oeil d’Adrien D.

Oui, la « justice » en est là. Oui, tout est fait pour fabriquer l’impunité. En particulier en ce qui concerne cette journée du 5 janvier 2019 où, de Christophe Dettinger au fenwick de Griveaux en passant par cette main arrachée et ces yeux perdus, le pouvoir aura particulièrement tremblé.

Ces jours sont encore vivants donc, au quotidien, en ce qui nous concerne, alors que ceux qui sont en face font tout pour les enterrer sous des montagnes de papier. Ils s’ajoutent aux « victimes de l’ordinaire » et leurs familles, de meurtres, de viol, parfois de choses d’apparence plus anodines, qui font resurgir des blessures cependant intenses, comme ce policier de la brigade fluviale, ayant passé sa vie à sauver des vies, traumatisé après avoir récupéré le corps décomposé de l’une de ses collègues sous une péniche, après des semaines passées à la rechercher, harcelé depuis pour avoir tenté de dénoncer les raisons qui l’avaient amenée à mourir, écrasé par le directeur de la PJ et d’autres margoulins hauts placés. Un homme sain et dévoué, devenu, comme sa collègue, victime de l’impunité.

Cela nous prend un temps important, une force mentale aussi qui nous oblige parfois à respirer, alors que nous avons encore beaucoup à apprendre, et qu’il est difficile en ces circonstances de ne pas se tromper.

La justice est un instrument d’ordre et non de vérité, ne l’oubliez jamais. Elle est aussi une affaire d’hommes et de femmes qui parfois peuvent céder. Faire le choix de défendre « ceux qui ne sont rien » rend la vie laborieuse, et menaçante, mais elle donne un sens, et permet de s’accrocher.

Cela engendre de longs silences qui parfois nous éloignent, et produisent des résurgences incontrôlées. Lorsque vous nous voyez réémerger, soudain, au sujet de tel ou tel dossier auquel l’on a bien voulu s’intéresser dans tel ou tel média, cela peut vous surprendre.

Nous tentons alors, toujours, de rattacher les personnes que nous défendons à des enjeux d’intérêt général, et, à travers eux, de défendre des milliers de personnes qui n’ont pas leur visibilité.

Nous ne prenons pas des personnes dont nous pensons qu’elles pourraient nuire à ce pour quoi nous tentons de lutter.

Prenons l’exemple de Damien Tarel. Vous aurez remarqué, qu’à aucun moment nous n’avons parlé de sa peine. Nous ne nous sommes pas plaints. Nous n’avons pas geint.

Car nous considérions que sa situation n’était rien, au regard de celles des français qu’il avait par ce geste, un instant revanché.

C’était pour eux et non pour lui, pour l’idée qu’il se fait de la France, qu’il avait pris ce risque, et qu’il a payé.

Les heures passées aux côtés des nôtres pour réfléchir, étudier, analyser leurs dossiers, avant que parfois, une petite pointe ne puisse émerger, nous prennent la vaste majorité de notre temps. Ce travail de « couture », fait maison, où chaque nouvel arrivant est traité comme s’il était le premier, est éreintant.

Mais nécessaire. C’est important. De ne pas faire du copier coller. D’accompagner réellement.

C’est ce qui nous a permis de gagner contre Macron, contre Darmanin, contre Lallement des procédures qu’ils avaient engagés, y compris sous le regard tremblant des juges qui se demandaient ce qu’ils faisaient. C’est ce qui nous a permis, avec des socios un peu illuminés, d’arriver jusqu’au Tribunal de l’Union européenne, sur un sujet d’apparence si anodin – et si fondamental pourtant – qui touche à l’instrumentalisation du sport par des puissances étrangères, et par des élites dégénérées.

Ce travail est invisible. Il nous nourrit cependant au quotidien.

Lorsque j’accompagne les époux Tryolère dans leur lutte contre Lactalis, ils m’ouvrent au quotidien des ouvriers et agriculteurs de la région de Saint Etienne. Tout m’apprend en eux: leur langue, leur corps, leur pensée.

Ils nous ouvrent à de nouvelles matières, que nous tentons ensuite de répercuter. Il faut de l’humilité, du temps pour comprendre ce qu’est un préleveur, ce que sont les hiérarchies et les relations en ces lieux là, les questions sanitaires qui peuvent se poser. Lorsque je vais à la confédération paysanne, pour en parler, cela me permet de me rapprocher et de découvrir les faces cachées d’un monde que j’ai connu enfant, auprès de ma grand mère qui cultivait des citronniers et des orangers, et qui chaque midi attendait impatiente ce que la météo annoncerait. Cela permet de reprendre langue avec des mondes que j’avais oublié.

Tout cela prend du temps, donc, et s’ajoute à ce que nous marchons à côté. Car il faut construire, avancer, continuer de se former, vivre et voir le monde qui continue de bouger, pour ne pas se fossiliser.

Les enjeux politiques ne sont pas les mêmes maintenant que l’inflation explose, après dix ans passés à stagner. Il faut s’adapter, rencontrer Gaël Giraud, Anice Lajnef, lire, sentir au plus près du terrain ce que ça fait. Idem pour la guerre en Ukraine, pour la violence qui ne cesse de monter la société.

Il faut enfin tout cela partager. Nous l’avons fait, d’abord, avec Crépuscule et Contre Macron, avant de le prolonger avec Treize Pillards et des conférences à travers le pays, qui nous ont beaucoup apporté. C’était alors le registre de la dénonciation, qui nous a fait nous rencontrer.

Avec le livre Abattre l’ennemi a commencé un travail de reconstruction, qui synthétisait les propositions des gilets jaunes, y ajoutait des éléments d’analyse « volés » aux lieux de pouvoirs, et proposait un plan du Paris de l’après (voir la vidéo youtube « Prendre Paris »). Ca a été un long travail, très difficile à concrétiser et élaborer.

Il s’agit maintenant de réfléchir au comment. Comment produire cette bascule. Comment sortir de la dépendance que nous nourrissons à leur égard. A ce spectacle auquel on ne cesse de nous ramener.

Comment éviter que nous nous retrouvions, la prochaine fois que nous serons à quelques pas de l’Elysée, sans le courage d’y pénétrer.

On ne peut prendre le risque de se faire une nouvelle fois tirer comme de la basse volaille. De rater la prochaine opportunité historique de tout basculer.

Il faut vivre, et aimer. Respirer. Se nourrir. Ne pas se laisser écraser. Et pour cela, il faut lutter.

Le reste est balivernes.

Plein de pensées.

2 thoughts on “Branco… suite…

    1. Tellement..continuellement dans l’auto-promo avec des petits récits arrangés de lui-même et de son histoire. Un authentique imposteur !

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